Les conditions d’une vraie réforme fiscale
Une carte blanche de Typhanie Afschrift, oratrice Cafés-Conseils.
Pendant plus de 2 ans, le pays a attendu une réforme fiscale. La réalité est que celle-ci, dans l’accord initial du gouvernement, n’était pas prévue pour cette législature, mais pour la suivante, celle qui commencera après les prochaines élections. Il est donc étrange que, malgré tout, l’on ait essayé de réaliser un objectif qu’à l’origine on n’a pas trouvé indispensable. Et puis, ce fut l’échec. Les sept partis de la très incertaine coalition n’ont jamais pu se mettre d’accord sur les propositions du ministre des finances. Aujourd’hui, presque tous les partis annoncent qu’il faudra réaliser enfin cette réforme fiscale sous le prochain gouvernement. |
Malheureusement, la plupart sont très imprécis quant au contenu de cette réforme, et les propositions que donnent les uns et les autres paraissent bien incompatibles.
De plus, ce qui est proposé peut rarement être qualifié de véritable « réforme fiscale ». On a pris l’habitude, depuis plusieurs années, en Belgique, de ne pas réformer réellement l’impôt et de se contenter de simples « tax shifts », reposant toujours sur une sacro-sainte « neutralité fiscale ». En clair, on s’interdisait, avant même de proposer la réforme, de réaliser quelque chose qui modifierait le total des impôts perçus à ce jour. On imagine donc faire une réforme fiscale sans modifier le niveau des recettes de l’Etat.
C’est là qu’est la première erreur. L’intérêt d’une réforme qui ne modifie pas le niveau global de l’imposition est très limité. Le principal problème de notre pays est que les impôts y sont trop élevés.
La Belgique figure systématiquement, depuis 30 ans, dans tous les classements, parmi les 3 ou 4 pays les plus taxés au monde. On a récemment révélé que pour un salarié célibataire sans enfant, la Belgique était le seul pays au monde où l’Etat s’appropriait plus de la moitié du salaire, en moyenne.
S’il y a quelque chose à réformer, c’est d’abord cela : il faut réduire, d’une manière importante, le poids de l’impôt et de l’Etat dans la vie des gens. Et ceci implique une réforme fiscale qui ne soit évidemment pas « neutre ». Et qui dit réduction des recettes doit nécessairement accepter qu’il en soit autant des dépenses.
Une vraie réforme fiscale impliquera par conséquent une remise en question des dépenses, notamment dans ses postes les plus importants, que sont la fonction publique et la sécurité sociale.
Il faut aussi que la réforme ne réduise pas seulement le poids de l’impôt pour une partie des contribuables. L’on entend partout dire, à juste titre, qu’il faut réduire la différence entre le revenu net de ceux qui travaillent, et le niveau des allocations de ceux qui ne travaillent pas. C’est une évidence mais cela ne suffit pas. Il n’est donc pas suffisant de simplement augmenter le « minimum imposable », c’est-à-dire le montant minimum des revenus qui supportent une taxation.
Il faut aussi que ceux qui supportent le plus le poids de l’impôt aujourd’hui, c’est-à-dire les classes moyennes, bénéficient d’une sensible réduction des charges sociales et fiscales. Pas seulement l’effet mécanique de l’augmentation du minimum imposable, mais aussi une amélioration de l’ensemble du barème de l’impôt des personnes physiques, en faveur, à tout le moins, de l’ensemble des revenus moyens.
Le barème belge de l’impôt des personnes physiques est celui qui monte le plus rapidement à son maximum, de 50 % plus les centimes additionnels. Cela doit absolument changer.
Et il faut en profiter, aussi, pour améliorer le régime de l’impôt des sociétés, beaucoup trop lourd lorsqu’on tient compte en outre d’un précompte mobilier à 30 % pour les distributions de dividendes.
La réforme fiscale de l’impôt des sociétés, réalisée en 2017, a été un échec parce qu’elle n’a pas abouti à une réduction de la charge pour les entreprises, et notamment pour les PME, qui créent le maximum d’emplois en Belgique.
Voilà pour l’essentiel, les conditions minimales d’une vraie réforme. Pour le moment, on ne voit pas beaucoup de partis qui proposent un système ambitieux. S’ils ne le font pas, ils courront pourtant à un nouvel échec.
Typhanie AFSCHRIFT